mardi 29 mars 2011

Hirose Takashi


23/3/2011 
Interview in extenso de Hirose Takashi.
Que se passe-t-il à Fukushima ?

Hirose Takashi est un spécialiste de l'énergie nucléaire et du complexe militaro-industriel. Son livre Nuclear Power Plants for Tokyo, prémonitoire fait qu'actuellement il enchaîne les interviews. Il y interpelait les industriels du nucléaire en ces termes:

"... si vous êtes sûrs que les centrales nucléaires sont sans danger, pourquoi ne pas les implanter dans les centres villes plutôt qu’à des centaines de kilomètres, ce qui génère par la distance une forte déperdition d’énergie électrique dans les lignes THT" (la "déperdition" est en fait une pollution électromagnétique occasionnant une électrocution sournoise de ceux qui  vivent dans les couloirs des THT avec des effets dévastateurs que l'on sait sur la santé)." 

 Ce qui suit est une interview télévisée partiellement traduite. (disponible en intégralité en japonais sur You-tube part.)

Car malgré la catastrophe en cours, l’approche économique du nucléaire prime toujours! Accepter la solution du sarcophage serait admettre qu'ils ne contrôlent plus rien donc la défaite de l'énergie nucléaire qu'ils tiennent en dévotion.. et la perte de ces six (ou dix) réacteurs ainsi qu'à terme la fermeture de tous les autres. La catastrophe sanitaire inégalée qui se profile est aussi financière! Tandis que s’ils arrivent à refroidir et à contrôler de nouveau la situation ils pourront dire, le nucléaire, finalement, ce n'est pas si dangereux (ndlr même si on eu chaud aux fesses). Fukushima est un drame pour le monde entier qui peut non seulement mettre fin à la victoire de l’industrie nucléaire... mais aussi à celle du monde. (Douglas Lummis, en chapeau du compte rendu de l'interview par Yoh.)


Yoh: Pulvériser en l’air de l’eau sur les réacteurs, est-ce efficace?

Hirose : Non. Il faut la faire circuler à l'intérieur et évacuer la chaleur à l’extérieur par un circuit, donc remettre en état l’électricité pour remettre en route les systèmes de refroidissement. Sinon, c'est comme verser de l'eau sur la lave d’un volcan, cela ne sert à rien.

Yoh: C'est à dire rebrancher l'électricité pour redémarrer le système?

Hirose : Oui. L'accident vient du fait que le tsunami a inondé les générateurs de secours et emporté leurs réservoirs de carburant. Si nous n’y arrivons pas, il n'y a aucun moyen de récupérer cet accident.

Yoh: Tepco [Tokyo Electric Power Company, le propriétaire/exploitant] dit qu'ils s'attendent à mettre sous tension les lignes ce soir.

Hirose : Oui, il y a un peu d'espoir, mais ce qui est inquiétant, c'est que les réacteurs nucléaires ne sont pas comme sur les photos. Sous sa coupole de confinement c'est un immense entrelacs, une forêt de commutations, galeries, fils et tuyaux... on nous donne des explications simples mais regardez (il montre une photo) c’est ici que l'eau a été répandue dans ces labyrinthes avec cette multitude de tuyaux, cela donne le vertige.
De plus, depuis une semaine, c'est de l'eau salée qu'ils versent dessus ! Or, si vous versez de l'eau salée sur un four chaud, vous obtenez du sel qui se dépose partout et finit par bloquer toutes les vannes qu’il sera ensuite impossible de faire fonctionner. Donc je ne peux pas croire que l'eau va recommencer à circuler. Peut-être ont-ils une idée? je ne comprends pas. (ndlr et ils n'en disent rien.)

Yoh: Il faudra plus de 1300 tonnes d'eau pour remplir les piscines qui contiennent les barres de combustible irradiées dans les réacteurs 3 et 4. Ce matin nous en sommes à 30 tonnes. Les forces d'autodéfense avec leurs 5 camions-pompes ont peut être réussi à en déverser aussi 30 tonnes, mais où? Et on est loin du compte.. Cela ne changera en rien la situation ?

Hirose : En principe, cela ne peut pas. Parce que même quand un réacteur est en fonctionnement normal il nécessite un contrôle constant de maintien de la température. Maintenant, c'est un désordre complet à l'intérieur des installations et quand je pense aux 50 personnes qui y travaillent, j'en ai les larmes aux yeux. Je suppose qu'ils sont exposés à de très grandes doses de rayonnements et qu’ils ont accepté (ndlr la mort.) Combien de temps peuvent-ils tenir ? Je ne veux le dire. Voilà la situation à ce jour.

C’est honteux, quand je vois des gens à la télé qui essayent de rassurer tout le monde pour éviter la panique. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est "une bonne panique contrôlée" parce que la situation est arrivée au point où le danger est réel.


Une seule solution: le sarcophage


Il faudrait faire ce que l'Union Soviétique a fait quand le réacteur de Tchernobyl a explosé, la solution sarcophage, enterrer le tout dans du béton fourni par toutes les entreprises du Japon. On a ici le pire des cas parce que dans la centrale de Fukushima il y a aussi l'usine de Daiichi avec six réacteurs et l'usine de Daini avec quatre, ce qui fait un total de dix réacteurs. Si un seul d'entre eux développe le pire des cas (ndlr : fusion incontrôlée ou atteinte de criticité), alors les travailleurs n’y pourront plus rien, il faudra évacuer le site en attendant l'effondrement. Si, par exemple un seul des réacteurs de Daiichi s’enfonce, pour les cinq autres cela ne sera qu'une question de temps. Nous ne pouvons pas savoir dans quel ordre cela risque de se produire mais ils suivront tous le même chemin. Et si cela arrive, Daini n'est pas si loin, alors donc probablement ses réacteurs eux aussi s’enfonceront. Aucun travailleur ne sera en mesure de rester. C'est le pire des cas mais la probabilité n'est pas faible.


C'est le danger que le monde regarde et qui menace l’humanité, caché au Japon.

Sur les six réacteurs de Daiichi, quatre sont dans un état très endommagé donc même si la circulation de l'eau était rétablie pour trois d’entre-eux, la crise ne serait pas finie ; pour sauver le peuple, nous devons réfléchir à un moyen de réduire les fuites de rayonnements non par pulvérisation d'eau par des tuyaux mais par la solution radicale de sarcophage et de refroidissement souterrain immédiat. Avec une vitesse de vent de 2 m/sc, il ne faut que quelques jours pour que l'ensemble du Japon soit couvert par des radiations. Cela signifie que Tokyo (230 km), Osaka etc. seront inévitablement touchées. Tout dépend de la météo ! Le vent ne soufflera pas toujours vers la mer. Il y a deux jours, il soufflait vers Tokyo. 

Yoh: Chaque jour, les autorités gouvernementales locales effectuent des mesures de la radioactivité. Les stations de télévision disent que toutes les radiations sont à la hausse mais qu’elles ne sont encore pas encore assez hautes pour représenter un danger pour la santé (!) Ils les comparent à une radiographie aux rayons X et conseillent de porter un appareil dosimétrique. Qu’est-ce que cela changera?

Hirose : Par exemple, hier autour de Fukushima la station de Daiichi a mesuré 400 millisieverts par heure. Avec cette mesure, Edano le chef du cabinet de la préfecture a admis pour la première fois qu'il y avait un danger pour la santé, sans explication. Tous les médias d'information sont en faute en raison des stupidités que l'on entend : nous sommes exposés à des rayonnements tout le temps dans notre vie, aux rayons cosmiques etc. Oui mais c'est un millisievert par an! Tandis que là, multipliez 365 par 24 et vous obtenez 8760 puis multiplier par les 400 millisieverts, vous obtenez 3.500.000 la dose actuelle annuelle dans cette zone (ndlr, alors que le maximum de dose acceptable en sus de l'irradiation naturelle est de 1msv/an). Est-ce que les médias ont signalé ces valeurs d’irradiation ? Aucun. Ils les comparent à un scanner !
 
Les particules, nœud du problème

Et surtout, la radioactivité qui ne peut pas être mesurée est celle des particules, les plus dangereuses car ce sont elles qui en pénétrant dans le corps, amènent la source de radioactivité directement au contact des organes, de l’intérieur. Des chercheurs-porte-parole de l'industrie viennent à la télé dire que si vous vous éloignez, le rayonnement est réduit en raison inverse du carré de la distance. Oui, mais si vous vous rapprochez, il augmente dans les mêmes proportions ! Si par exemple une particule radioactive est à 1 m de vous et que vous l’inhalez dans vos poumons...
... la distance de la source radioactive = zéro puisqu’elle colle à votre organe ! Le rayonnement étant inversement proportionnel au carré de la distance avec  la source radioactive, en ce cas, il n’y a plus de distance et le facteur d’irradiation même s’il est faible et surtout variable en fonction du type de particules radioactives (radio nucléides), s’en trouve augmentée d’un trillion 10 ¹² soit 1 000 milliard ou 1 000 000 000 000 fois ! Or, pas un seul mot dans les médias sur l’irradiation interne issue de particules ingérées.

 En conséquence, L'inhalation de la plus infime particule radioactive, c'est le danger. "Inhaling even the tiniest particle, that’s the danger".

Yoh: Donc il ne faut donc pas respirer ni ingérer des matières radioactives.

Hirose: Oui. Quand elles pénètrent dans le corps, on ne sait pas où elles vont migrer et se fixer. Le plus grand danger est celui que courent les femmes enceintes, les bébés et les petits enfants. On parle à présent d'iode et de césium mais ce n'est qu'une partie des contaminants radioactifs... En plus, la plupart du temps les firmes nucléaires ne possèdent pas les instruments de détection appropriés des particules (ndlr impensable!). Ce qu'ils appellent leurs "moyens de surveillance des mesures de la valeur des rayonnements dans l'air" (balises) ne les détectent pas. Ce qu’ils mesurent n'a aucun lien avec la quantité de matières radioactives dans l’air . . . 

Yoh: Donc, les dommages causés par les rayons et ceux causés par les particules de matières radioactives ne sont pas les mêmes?

Hirose : Incomparables. Il est vrai que les rayonnements ne proviennent pas tous de Fukushima mais les particules radioactives transportées par l'air, si. Lorsque le noyau d’un réacteur commence à fondre, des éléments radioactifs de l'intérieur s’échappent par les ouvertures, ce qui est  actuellement le cas ; et avec la chaleur, elles montent vers le haut dans l’atmosphère et migrent... 

Yoh: Est-il possible de les détecter ?

Hirose : Même à présent, TEPCO n'est pas encore équipé d’un collecteur de particules pour faire un suivi régulier. Ils ne prennent qu’occasionnellement des mesures de valeurs de densité avec le centre de contrôle d’état Edano alors qu'il faudrait en prendre en permanence pour évaluer l’ampleur et le nombre de fuites radioactives. Cela nécessite des instruments de mesure très sophistiqués... qu'ils ne possèdent pas (ndlr, impensable) !  Mesurer un niveau de rayonnement dans l'air, qu’il soit faible ou élevé, n’est absolument pas suffisant car ce n’est pas la donnée la plus fondamentale pour la santé. Nous devons savoir quel type de matières en particules radioactives s'échappent et où elles vont pour les suivre et donner l’alerte, mais ils n'ont pas de système en place pour le faire maintenant.* (Ndlr : quand le feront-ils ? Quand tout sera fini, d'une manière ou d'une autre?)

Douglas Lummis est un scientifique et politologue vivant à Okinawa, auteur de Radical democracy. Contact : ideaspeddler@gmail.com

* Une explication possible à cette impensable "lacune"... qui n'en est peut-être pas une ! Si des particules étaient détectées et si on alertait les populations de leur survenue proche ou présente, aucun moyen de repli n'étant prévu pour les milliers ou millions de gens qui tenteraient aussitôt de fuir, la politique est peut-être justement de ne pas chercher de moyens sophistiqués pour mesurer et surtout de se taire..  "Gardez votre calme, ce n'est rien" etc...
free counters

2 commentaires:

  1. Thanks for an idea, you sparked at thought from a angle I hadn’t given thoguht to yet. Now lets see if I can do something with it.

    cialis

    RépondreSupprimer